L’association OXFAM, spécialisée dans l’analyse des inégalités au niveau mondial, a rendu public le 22 juin 2020 un rapport spécifiquement tourné vers la France et intitulé « CAC 40 : des profits sans lendemain ? Inégalités, climat : pistes pour bâtir l’entreprise du monde d’après ».
L’association constate, chiffres à l’appui, « depuis la crise de 2008, les entreprises du CAC40 ont pourtant créé beaucoup de richesse ». Sans faire de mauvais procès d’intention, c’est évidemment dans la répartition de la richesse et sa production que le bât blesse.
Côté répartition, OXFAM met en avant le fait qu’« entre 2009 et 2018, les versements aux actionnaires du CAC 40 ont augmenté de 70%, la rémunération des PDG du CAC 40 de 60%, alors que le salaire moyen au sein de ces entreprises n’a augmenté que de 20% et le SMIC de 12% sur la même période ». La fâcheuse tendance du grand patronat français au parasitisme et à la gloutonnerie ne se fait pas démentir. Qui plus est, et le phénomène est déjà bien connu, ces manies semblent se dérouler dans ces cercles assez fermés et essentiellement masculins. Pour rappel, OXFAM remet en lumière le fait que « fin 2019, les femmes ne représentaient en moyenne que 20% des équipes dirigeantes du CAC40, alors qu’elles constituent la moitié des salariés. 5 entreprises ne comptaient aucune femme dans leurs instances dirigeantes ». Ces constats ont malheureusement déjà été faits depuis de nombreuses années sans que cela n’ait eu de répercussions chez ces messieurs les puissants.
Rappelons tout de même que depuis les années 1980, ce sont près de 30 points de la richesse qui sont passés des poches du travail à celles du capital. Plus concrètement, ce sont 200 milliards d’euros, chaque année, qui sont allés grossir les dividendes des actionnaires. Les ordres de grandeurs sont importants pour comprendre à quel point la question de la transition écologique est éminemment politique. Lors de la campagne présidentielle, la France insoumise avait proposé la mise en place d’un vaste plan de relance de 100 milliards d’euros, dont 50 étaient exclusivement dédiés à la transition écologique. La répartition entre différents volets programmatiques était la suivante : 20 Mrds pour l’isolation thermique, 20 Mrds pour le plan d’énergies renouvelables, 5 Mrds pour le plan de ferroutage et 5 Mrds pour les investissements portuaires et fluviaux. A la lumière du gavage des patrons du CAC 40 depuis toutes ces années, nous sommes en droit de dire que la sempiternelle question du « combien ça coûte » n’a aucun sens.
La question pertinente serait plutôt la suivante : « Vous, entreprises du CAC40, combien cela vous coûterait en dividendes d’investir dans la transition écologique pour respecter les accords de Paris ? ». Ce qu’OXFAM s’est attachée à chiffrer dans son rapport. Selon l’association, « si la part des bénéfices versés aux actionnaires en 2018 avait été encadrée à 30%, cela aurait permis de couvrir 98% des besoins en investissement dans la transition écologique des entreprises du CAC40 ». Voilà qui a de quoi poser sérieusement question sur la « philanthropie » et ou la vision d’avenir du patronat français, pour celles et ceux trouvant les militants du partage de la richesse trop exagérés. Nous le voyons, les moyens ne manquent pas pour mettre la transition écologique au cœur d’une politique nationale. Au contraire. Cette transition est réfléchie et pensée depuis de nombreuses années au sein d’associations et de mouvements politiques.
Pour la première fois, des citoyen.nes tiré.es au sort au sein d’une Convention Citoyenne pour le Climat ont rendu leurs propositions pour répondre à la question du changement climatique. On retrouve beaucoup de choses intéressantes (et des absences), déjà mises en avant depuis longtemps par tout un corpus politique : celui de la planification écologique. A titre d’exemple, nous pouvons noter le renforcement des clauses environnementales dans l’attribution de marchés publics, la remise en avant de l’usage du train, financer la transformation de l’outil de production des entreprises dans le cadre de la transition énergétique (liste non-exhaustive). Tout cela ne fait que renforcer la conviction que face à l’urgence climatique, deux positions s’affrontent : les tenants du statu quo et les partisans de la rupture politique profonde.
Crise sanitaire et sociale oblige, Emmanuel Macron et son gouvernement jurent à qui veut l’entendre qu’à partir d’aujourd’hui, tout va changer, que rien ne sera plus comme avant. Évidemment, après trois ans de bilan de sa présidence, ce n’est pas la première fois qu’il a joué la carte Nicolas Sarkozy « j’ai changé ». Il faudra donc regarder dans les faits mêmes s’il a d’ores et déjà annoncé la poursuite de la réforme des retraites. Sans surprise, cela sera « dorénavant, ça sera comme auparavant ». Sauf qu’entre temps, les soignant.es ont payé un lourd tribut dans la lutte contre la pandémie. Ils ont héroïquement permis que l’hôpital public, si souvent voué aux gémonies, ne tombe pas à genoux dans le pire moment. Les permanences de l’histoire de France ont celles-ci de commun : lorsque les crises terribles s’abattent sur nous, ce sont les femmes qui sont en première ligne. Femmes de ménage, aide-soignantes, infirmières notamment ont été les pièces mairesses ayant sauvé des dizaines et des dizaines de milliers de vies en quelques mois à peine. Quel rapport me direz-vous ?
Dans les métiers à forte prédominance féminine, comme le dit OXFAM, les salaires sont scandaleusement faibles. Les personnels soignants des hôpitaux publics sont payés 10% de moins que le salaire moyen dans l’Hexagone et pointent au 28ème rang sur 32 des pays de l’OCDE. La honte absolue. OXFAM, dans son rapport pointe logiquement l’impérieuse nécessité de « limiter les écarts de salaire et revaloriser les métiers à prédominance féminine ». Démonstration qui à maintes fois été faite, les augmentations de salaires amènent mécaniquement de la cotisation sociale, permettent aux comptes publics de passer dans le vert, nous permettant d’élargir encore un peu plus nos capacités d’investissement dans la transition écologique. Bref, c’est ce que l’on appelle un cercle vertueux.
Mais pour briser le cercle vicieux de la folie capitaliste que nous connaissons en France, ne faudrait-il pas des ruptures ? Les stratégies entrepreneuriales de nos fleurons doivent elles continuer à être décidées par des conseils d’administration où les salarié.es et ses représentant.es n’ont pas de voix au chapitre ? De la démocratie dans l’entreprise n’est elle pas nécessaire ? De ce point de vue, OXFAM se positionne en proposant de « renforcer la représentation et les pouvoirs des salariés dans les instances de décisions ». Rupture dans l’organisation même de l’entreprise, mais rupture également dans les institutions de la République. Les lobbys, par exemple, doivent ils garder le pouvoir de freiner des mesures de bifurcaation écologique à la faveur de pressions et de cadeaux faits à des représentant.es de la Nation ? Le temps n’est il pas venu de changer la règle du jeu et d’en bâtir une collectivement ? Dans ce contexte, la convocation d’une assemblée constituante arriverait à points nommés. Une constitution pour une Sixième République se verrait peut être garante de la planification écologique et d’une règle verte, et pourrait repenser ses modes de production ainsi que leur répartition. Le débat est ouvert. Prenons toutes et tous notre part.
Publié dans le journal de l’insoumission le 23 juin 2020.