Cette idée d’article m’est venue alors que je regardais l’allocution de Jean-Luc Mélenchon à la tribune de l’Assemblée nationale pour répondre au discours de politique générale du Jean Castex, Premier Ministre macroniste. Alors que le réquisitoire implacable du président du groupe parlementaire de la France insoumise se déroulait, ce dernier a mis en avant la thématique de l’eau dans le débat. Notamment sur le fait que l’eau allait devenir une ressource rare, et donc sources de conflits futurs, mais également sur le fait qu’une planification écologique efficace ne permettrait plus de supporter 20% de pertes d’eau potable du fait de réseaux vieillissants et non-entretenus.
Et pourtant, Jean-Luc Mélenchon a 1000 fois raison de pointer des éléments ô combien centraux. Ce n’est pas un hasard si la France insoumise, par l’intermédiaire de Mélenchon, a proposé une résolution ambitieuse pour faire de la question de la gestion de l’eau, de son assainissement, de sa distribution et de l’affirmation de son statut de bien commun, un enjeu prioritaire.
Pourquoi me direz-vous ? Le triptyque programmatique de la France insoumise peut se résumer à « démocratie, partage des richesses et écologie ». La question de l’eau couvre tous ces aspects de façon cristalline. L’eau est un enjeu démocratique car les insoumis affirment que l’eau, bien commun, ne doit pas être gérée par des multinationales faisant d’immenses bénéfices et vendant l’eau à des tarifs inadmissibles. Le retour en régie publique, si elle coupe le lien entre la ressource et les multinationales ne règle pas pour autant la question démocratique. Une gestion publique où seuls les élus sont décisionnaires ne permet pas d’avoir un mode de gestion satisfaisant. Il est nécessaire que les élus, les associations de préservation de l’environnement, les syndicats d’employés de la régie et les citoyens participent de façon démocratique à la gestion de cette ressource, bien commun de l’humanité.
L’eau est également un enjeu social car selon le mode de gestion, nous pouvons garantir les premiers mètres cubes nécessaires à la vie humaine gratuitement. Mais c’est aussi l’interdiction des coupures d’eau, et la mise en place de la tarification à l’usage. Chacun comprendra que l’eau ne doit pas avoir le même prix si on la boit, si on se lave ou si on fait la vaisselle, que si on s’en sert pour nettoyer sa voiture ou remplir sa piscine. En somme, plus on consomme, plus on paie. Alors que de nos jours, plus on consomme, moins on paie.
Enfin, l’eau est un enjeu écologique. Si 70% du globe est recouvert d’eau, seuls 2.5% est potable. La préservation de cette ressource, en luttant contre le réchauffement climatique, en arrêtant, d’artificialiser et d’imperméabiliser les sols, de poursuivre l’agriculture intensive gourmande en ressource en la faisant bifurquer vers une agriculture paysanne et respectueuse, est absolument essentielle.
Pour beaucoup de nos concitoyens, et même de militants politiques, tout cela fait joli à la tribune d’une assemblée, mais concrètement, cela semble éloigné des préoccupations populaires. Et c’est là qu’un lien doit s’opérer entre les discours tribuniciens, essentiels à la conscientisation des individus sur des sujets méconnus, et la déclinaison concrète d’actions de terrain.
A Dijon et dans ses alentours, la bataille de l’eau fait rage depuis de nombreuses années. Ainsi, des militants politiques et des citoyens ont décidé de coordonner leur action au sein d’une association visant à mettre en place une régie publique de l’eau sur son secteur géographique, et ainsi sortir de la délégation de service public d’alors. Et devinez quoi ? Ils ont gagné ! « Le 20 décembre 2018, le conseil communautaire a décidé d’abandonner le mode de gestion délégué, à l’issue des deux DSP, et de passer à une gestion directe du service de l’eau, en régie communautaire ». A Dijon, la bataille est plus compliquée car les élus de la majorité Rebsamen ne veulent pas entendre parler de la gestion publique. C’est Suez qui gère depuis 1991, et qui va gérer en SEMOP à partir d’avril 2021 alors qu’aucun débat public n’a été mis en place. Les dijonnais n’ont même pas eu le loisir de se prononcer pour ou contre une DSP ou une régie. Pire, on a appris que la Redevance d’Occupation du Domaine Public avait été facturé illégalement au dijonnais par Suez. On parle de plusieurs millions d’euros.
Moi-même militant de la gestion publique de l’eau sur la Métropole Dijonnaise, j’ai dû saisir le Tribunal Administratif et gagner face à François Rebsamen pour avoir le droit d’obtenir des documents normalement publics… La démocratie peut avoir des tarifs exorbitants…
A toutes celles et ceux qui disent que les discours, finalement, ça ne sert à rien et ça n’est jamais suivi des faits, je veux leur dire que c’est tout le contraire. Les discours permettent à chacun de se réapproprier sa liberté de pensée et son autonomie intellectuelle. La confrontation et le débat élèvent les consciences et par construction, par capillarité, les gens se mettent en mouvement pour défendre ce qu’ils pensent être juste. Articuler figures et discours tribuniciens et actions locales de terrain est essentiel si l’on souhaite réellement changer la vie.
Très bien ! Par ailleurs en dehors de la bataille contre la privatisation, il y a d’autres problèmes qui se posent même avec une gestion en régie publique. En Guadeloupe par exemple le cœur de la question de l’Eau porte sur la vétusté des réseaux. Une situation qui s’est dégradée avec le temps et laisse aujourd’hui encore des milliers d’usagers sur le bord du carreau en matière d’accès à l’Eau dans leur robinet…
Je te remercie pour ton commentaire. Et je suis infiniment d’accord sur la vétusté des réseaux.
Il y a quelques années, j’avais fait le bilan des travaux du remplacement de réseau de tuyauterie dans ma ville. C’était assez honteux. Et je sais qu’en outre-mer, et particulièrement à la Guadeloupe, les soucis sont exacerbés.
Mais menons la lutte, on finira par gagner.